Mon enfance à Mondovi devenu depuis Dréan, après notre retour de Marseille, a été un mélange de moments de joies éphémères et de privations diverses. Dans les deux chambres en pierres avec leurs toitures en tuiles rouges qu'a bien voulu nous céder la grand-mère de mon père dans ce " cour', on manquait de tout ou presque: pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de gaz, pas de chauffage. On s'éclairais au "kanki": une lampe à pétrole en cuivre surmontée d'une "bellara": un genre de couvercle en verre faisant le rôle et l'effet d 'une ampoule. Presque chaque jour on m'envoyais acheter un 1/2 litre de pétrole, qu'on utilisait comme combustible d'éclairage. Pour l'eau; c'était la débrouille, pour boire, on avait droit à une eau de source saumâtre qu'on conservait dans une petite cruche "el-bekbaka" , et on utilisait l'eau stockée dans la grande cruche "El boucha " en argile pour faire nos repas quotidiens . "El boucha" était toujours adossée dans un coin de la chambre qui nous servait de cuisine et de salle à manger avec sa " meïda" faisant fonction de table basse et un ou deux bancs en bois qui nous servait comme chaise. L'eau pour faire la vaisselle ou pour laver le linge était stockée dans les bassines en zinc. Pour laver le linge on rajouté du ""Cheb" certainement des cristaux de soude pour adoucir l'eau afin de faire des bulles avec savon. En hiver on collectait l'eau de pluie que l'on recoltait dans des fûts grâce aux gouttières qui ceinturaient le bas des pourtours des toits en tuiles. Pendant l'hiver, la nuit pour se réchauffer, on dormait allongés par sexe les uns a côté des autres et on se couvrait lourdement avec une grosse couverture de laine "el-hambel" pour éviter d'attraper froid. Chaque matin, ma mère arrangé les affaires de notre couchage sous forme d'un talus de matelas, oreillers, et couvertures sur le "sandogue" une grosse malle en bois ramenait comme dot de son mariage et qui contenait les choses les plus précieuses de la maison, et surtout celle de ma mère; comme les bijoux et les habits des fêtes. Ainsi arrangés le couchage était couvert par un drap pour constituer une "seda".
Pour palier au cas où quelqu'un venait de disparaitre , chaque "seda" doit contenir obligatoirement des sacs de semoule et de couscous, afin de servir comme repas mortuaire. Une habitude répandue en ses temps là.
On achetait rarement du pain. Ma mère nous préparait des galettes sur le "tajine" placé sur une "tabouna" contenant du bois que l'on achetait par fardeau, chez les vendeurs à la criée qui sillonnaient les rues du village avec leur ânes, ou à défaut de "louguid": un mélange de bouse de vaches et de paille séchée que l'on ramassait dans notre écurie..Pour se doucher; on chauffait l'eau dans une bassine en zinc sur la "tabouna" et on se lavait a l'abri des regards dans un grand évier qu'on appelait "el-guesgha" qui en fait était un grand fût coupé près de sa base et qui servait de réceptacle de l'eau de bain pour qu'elle ne se disperse pas dans la maison. Cette même ustensile servait a laver le linge.
On mangeait rarement de la viande et pour la conserver, comme celle du mouton de l'Aïd, on faisait du "guedid" avec les côtes et certains parties du mouton qu'on salaient abondamment et séchaient au soleil. Ainsi on pouvait les conserver assez longtemps, Les autres parties du mouton sont légèrement salaient et légèrement grillés dans de l'huile pour être conservés quelques jours dans une grande marmite. Ainsi pendant plusieurs jours on utilisait cette viande pour faire des bons plats. Ainsi était notre quotidien dans notre minuscule demeure ; on vivait le jour le jour entouré d'un minimum de confort. Livré à toutes sortes de misères et de difficultés, tout en gardant l'espoir d'avoir un jour une vie meilleure.
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