mercredi 29 novembre 2023

Algérie. Le retour.

Dans le bateau de notre retour, curieux, je visitais tous les coins et recoins du navire à tel point que je mettais ma vie en danger: car je risquais de tomber à l'eau en  tentant par exemple de toucher ce bleu à l'arrière du pont. Je restais ébloui devant cette immense espace qui semblait infini et qui entourait notre embarcation,  tracant un chemin d'écumes blanchâtres vers nulle part; un chemin à ne pas finir. 
Nous arrivâmes à Bône (Annaba ), le lendemain dans la soirée de ce mois d'octobre 1963, pour rejoindre Mondovi, une bourgade agricole  distante de 20 km où vivaient ma famille. Je fus immediatement surpris par l'état des lieues: l'obscurité, les odeurs nauséabondes, le froid ambiant. et l'image du crépitement du "kanoun" qu'on essayait d'allumer avec ses étincelles jaillissant  comme un petit feu d'artifice de bienvenue, dans cette obscurité à couper au couteau. Je n'arrêtais pas de pleurer. Je ne voulais pas rester  dans cet endroit triste et je voulais revenir aussitôt à Marseille...et ses lumières. Sur le moment je ne pensais pas que j'allais passer presque cinq (05) ans de ma vie dans cet endroit lugubre: sans électricité , sans eau et avec des WC commun délabrés. Mais faute de mieux, on s'y habitue de vivre ainsi. Aujourd'hui avec le recul je peux affirmer que cela a été les pires moments de ma vie d'enfant . C'est dans ce lieu  entouré de  ma famille, que j'ai connu et le plus  ressenti  la misère à travers la maladie, le mépris,  la saleté, les poux et la faim .
 Aussitôt installé chez notre grand mère, mon père avait du mal à trouver du travail. Au début il trouvera une place comme préposé aux écritures à l'APC (mairie) de Dréan, mais après quelques mois passés à la Mairie, il a du quitter son emploi suite a un différent politique ( selon ses dires) avec le Maire un certain Med Salah B. un célibataire endurci,  officier de l'armée des frontières. Il trouvera un emploi comme saisonnier, comme  la plupart des hommes du village dans une coopérative agricole spécialisée dans le conditionnement des agrumes  pendant  quelques mois, Ensuite, il entamera une période de chômage qui durera  plusieurs mois. Pendant cette période nous vivions d'aide, de  quête  et de crédit.
 Ainsi  je garde en mémoire les visites matinales de Yamina la fille d'une de mes tantes ( du côté de ma mère) "khalti Hadda" qui passait souvent chez nous tôt le matin avant de rejoindre l'école pour nous emmener quelques légumes et d'autres choses pour que ma mère puisse nous faire à manger. Un épicier du village "ami" Mohamed"  d'une famille kabyle les  Salemkour , nous faisait crédit pour nos besoins essentielles : semoule, huile, sucre et café...    sur les recommandations de son cousin "ami Ali", un ami de mon père qui était  boulanger au centre du village,  et qui  partageait les mêmes idées que lui.
Enfin, après  plusieurs tentatives de candidatures a divers métiers, mon  père rejoindra la formation professionnelle comme magasinier et comptable matières a Annaba, au début de l"année 1966.