vendredi 23 décembre 2022

Lettre à mon fils Yassine

J'arrive pas a me défaire de mes remords et de mes démons. J'habite un enfer. Est-ce que j'ai falli a ma mission de père: une question,  qui tourbillonne dans ma tête, sans que j'arrive a avoir une réponse. Certainement j'ai failli. Où et comment ? Le résultat est là: visible et douloureux. Sinon pourquoi je n'arrive pas a comprendre comment tu as pu un jour basculé dans l'état où tu es maintenant. Un mystère. En un court instant, tu t'es complètement déconnecté de la réalité pour basculer dans des délires et des hallucinations de toutes genres. Au début je ne comprenais pas  tes attitudes: le fait que tu évitais de dormir pour ne pas faire de cauchemar. Et quels cauchemars !. Une série de rêves plus horribles les uns des autres, a tel point que tu perdais ton discernement et tu tentais de mettre fin a ta vie. Tes séances de mimiques pendant des heures, face a la glace de notre salle de bain comme si tu parlais a quelqu'un.
Je n'arrive pas a oublier -même un court instant- tous ces moments et de penser à toi et toute ta souffrance. J'y pense tout le temps; c'est devenu une obsession. Une sensation de manque permanente , une brûlure qui ne guérit pas.
 Quand tu as décidé  de Partir en France, j'ai eu l'impression de t'avoir trahi en te laissant quitter la maison dans l'état où tu étais. Un abondon. Je revois chaque instant du jour de ton départ: une bobine d''un film qui se répète à l'infini. c'était un déchirement: j'aurais préféré que l'on m'arrache les yeux, pour ne pas assister à ce départ. On m'a arraché les tripes et pour finir le coeur. Ce jour là, j'ai pleuré a chaudes larmes avec des cris de douleurs comme un enfant. Même enfant, je me souviens pas avoir pleuré comme cela...J'étais seul et livré à moi-même, perdu dans un désert de solitude, dans des abîmes de nul part et accompagné par  un destin tragique celui d'être séparé de mes enfants: un parti pour un exil  forcé, chercher un destin meilleur, un rêve de bonheur faute de mieux dans son propre pays. Un second, malade et guidé par l'obsessin de faire comme son frère, sinon mieux. Ce pays, mon pays l'Algérie qui n'arrive pas a trouver sa voie, malgré tous les sacrifices consentis par les miens et les autres. Le Martyr de mon grand -père mort sous la torture me hante, ainsi que le combat de mon père pour l'indépendance et l'émancipation de son pays. Non Yassine, je n'arrive pas à comprendre le pourquoi de notre échec. Car il s"agit bien d'un échec, quand on arrive pas à continuer le chemin et arriver à la bonne destination celui de bâtir une société harmonieuse de paix et de prospérité pour nos enfants  où l'on se respectera... Certes, chacun se défend qu'il n'est en rien responsable de l'état dont lequel est le pays. Alors je me demande parfois si ce n'est pas une malédiction perpétuelle qui nous poursuit et qui nous habite...depuis toujours, depuis la nuit des temps.
D'un autre côté, pour me consoler, je me dit que peut-être tu as plus de chance que d'autres de ton âge qui au risque de leur vie traverse la méditerranée dans des barques de fortune afin de fuir le chômage, l'ennui et la misère à la recherche d'une vie meilleur: un Eldorado imaginaire.. oui Yassine, oui mon fils, j'ai eu beaucoup de peine..., une peine incommensurable. Excuse moi, je n'ai pu  retenir mes larmes... après ton départ.