jeudi 25 janvier 2024

Annaba.

Nous quittâmes Dréan, le matin, en cette chaude journée du samedi 5 Août 1967. une date que je ne peux  oublier pour milles et une raison, car ce fut pour nous, toute la famille, le début  d:une nouvelle destinée. Un changement radical. Nous allions nous  installer dans une petite villa coloniale qui était abandonnée et que mon père avait rénovée avec le concours de son employeur: le  centre de formation professionnelle pour adultes,  elle se situait, tout près du pont sur l'Oued Kouba,  au bord  de la route menant à la carrière dite "Mariage" du nom de son ex propriétaire: un ex colon qui a quitté  l'Algérie depuis peu. C'était  encore  la campagne,. De grands arbres d'eucalyptus et des rosiers peuplaient encore, les rives de l'Oued qui n'était pas encore couvert et  drainait aussi bien les eaux que les branches des arbres qui s'y trouvaient ou qui tombaient un peu plus haut sur un des flancs sud de l'Edough.  Le matin, le petit camion Saviem gris d'un parent: "ami djaballah le père de Merzaka", c'est ainsi qu'on l'appelait en rapport avec une tante au 2ème degré, est venu pour nous prendre nous, et nos maigres affaires: une chambre à coucher achetée aux puces, quelques matelas,  diverses couvertures et une cuisinière acquise a crédit chez "ami Mohamed" Salemkour, l'épicier du village qui nous faisait  crédit, et le reste composé d'ustentiles de cuisine et diverses autres choses que ma mère avait jugée utile d'emporter. Avant notre départ, mon père était envahie par l'émotion - les gens de chez-nous étaient ainsi- et ne pouvait retenir ses larmes entouré  par quelques parents et voisins qui le consolait tout en pleurant avec lui. Il avait  l'impression d'abondonner les siens et de partir aux fins fonds du monde a 24 km ... Ma mère qui  cachait sa joie, tout en restant discrète,  m'avoueras plus tard, que c'était un des plus beaux jours de sa vie d'avoir quitté ce lieu où  la misère était tangible, prégnante et insupportable. Je pense que c'était la seule qui réalisait l'importance et l'intérêt de ce déménagement pour notre famille.
 Notre nouvelle demeure à  Annaba se composait juste d'un rez de chaussée avec une toiture en tuiles rouges couvrant les deux chambres et le salon, tous mitoyens avec un couloir en longueur et une cuisine dans le prolongement  avec un débarras et sa salle de bain, le tout couvert par  une  petite terrasse avec sa citerne de stockage d'eau. De part et d'autre  se trouvraient deux  petits jardins dont un en balcon derrière les chambres et accessible de l'extérieur et l'autre accessible à partir de la cuisine avec un poulailler et quelques arbres fruitiers. 
On vivra huit longues années dans cette maison, jusqu'au jour où on nous obligea de partir ainsi que notre voisin "ami Rabah", un ex réfugié Algérien en Tunisie  pour construire un petit bâtiment hideux à la  place de nos deux belles petites demeures.
La plage de Rizzi Amor ( Chapuis) se situait à peine à 300 mètres de notre habitation. On pouvait y accéder a travers une route goudronnée bordée d'eucalyptus traversant une serie de plantations agricoles.

Le soir de notre déménagement, juste avant le coucher du soleil, ma mère m'envoya pour chercher du pain à la cité Kouba que je découvrit pour la première fois. L'endroit contrasté beaucoup avec nôtre village: il était plus animé et plus lumineux avec un ensemble de bâtiments bien agencés, avec en son  centre, quelques épicieries , une boulangerie, une boucherie , un coiffeur,  une crèmerie et même un coin mosquée... J'étais accompagné par Athmane qu'on surnommé "jeghata" car il était maigre et avait un cou longiligne, un voisin de notre "cour" à Dréan  et mon oncle Rabah qui habitait déjà Annaba à "Santana" au centre ville, sobriquet du quartier"Santa anna ". Au retour de la cité, il faisait déjà nuit et tellement sombre, qu'on avait peur de rejoindre la maison par le  trajet emprunté à l'aller, qui était à peine distant de 200 mètres a travers l'Oued et ses rosiers. Suivant les conseils de mon oncle Rabah, un personnage unique et  fantasque qui voulait certainement nous impressionner et nous faire découvrir "sa" ville en nous faisant faire le tour de la moitié de la cité pour regagner notre demeure à  travers le quartier de Béni M'haffeur soit plus de 5 km de distance. Nous rentrâmes tard et sans ramener de pain.


mardi 9 janvier 2024

Notre "cour" de Dréan.

Mon enfance à Mondovi devenu depuis Dréan, après notre retour de Marseille, a été un mélange de moments de joies éphémères et de privations diverses. Dans les deux chambres  en pierres avec leurs toitures en tuiles rouges qu'a bien voulu nous céder la grand-mère de mon père dans ce " cour', on manquait de tout ou presque: pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de gaz,  pas de chauffage. On s'éclairais au "kanki": une lampe à pétrole en cuivre surmontée d'une "bellara": un genre de couvercle en verre faisant le rôle et l'effet d 'une ampoule.  Presque chaque jour on m'envoyais  acheter un 1/2 litre de pétrole, qu'on utilisait comme combustible d'éclairage. Pour l'eau; c'était la débrouille, pour  boire, on avait droit à une eau de source saumâtre qu'on conservait  dans une petite  cruche "el-bekbaka" , et on utilisait l'eau stockée dans  la grande cruche "El boucha " en argile pour faire nos repas quotidiens . "El boucha"  était toujours adossée dans un coin de la chambre qui nous servait de cuisine et de salle à manger avec  sa " meïda"  faisant  fonction de table basse  et un ou deux bancs en bois qui nous servait comme chaise. L'eau pour faire la vaisselle ou pour laver le linge était stockée dans les bassines en zinc. Pour laver le linge on rajouté du ""Cheb"  certainement des cristaux  de soude pour adoucir l'eau afin de faire des  bulles avec savon. En hiver on collectait  l'eau de pluie que l'on recoltait dans des fûts grâce  aux gouttières qui ceinturaient le bas des pourtours des toits en tuiles. Pendant l'hiver,  la nuit pour se réchauffer, on dormait allongés par sexe  les uns a côté des autres et on se couvrait lourdement avec une grosse couverture de laine "el-hambel" pour éviter d'attraper froid. Chaque matin, ma mère arrangé les affaires de notre couchage sous forme d'un talus de matelas, oreillers, et couvertures sur le "sandogue" une grosse malle en bois ramenait comme dot de son mariage et qui contenait les choses les plus précieuses de la maison, et surtout celle de ma mère;  comme les bijoux et les habits des fêtes. Ainsi arrangés le couchage était couvert par un drap pour constituer une "seda".
Pour palier au cas où quelqu'un venait de disparaitre , chaque "seda" doit contenir obligatoirement des sacs de semoule et de couscous, afin de servir comme repas mortuaire.  Une habitude répandue en ses temps là.
On achetait rarement du pain. Ma mère nous préparait des galettes sur le "tajine" placé sur une "tabouna" contenant du bois que l'on achetait par fardeau,  chez les vendeurs à la criée qui sillonnaient les rues du village avec leur ânes, ou à défaut  de "louguid": un mélange de bouse de vaches et de paille séchée que l'on ramassait dans notre écurie..Pour se doucher; on chauffait l'eau dans une bassine  en zinc sur la "tabouna" et on se lavait  a l'abri des regards dans un grand évier qu'on appelait  "el-guesgha" qui en fait était un grand fût coupé près de sa base et qui servait de réceptacle de l'eau de bain pour qu'elle ne se disperse pas dans la maison. Cette même ustensile servait a laver le linge.
 On mangeait rarement de la viande et pour la conserver, comme celle  du mouton de l'Aïd, on faisait du "guedid" avec les côtes et certains parties du mouton qu'on salaient abondamment et séchaient au soleil. Ainsi on pouvait les conserver  assez longtemps, Les autres parties du mouton sont légèrement salaient et légèrement grillés dans de l'huile pour être conservés quelques jours dans une grande marmite. Ainsi pendant plusieurs jours on utilisait cette viande pour faire des bons plats. Ainsi était notre quotidien dans notre minuscule demeure ; on vivait le jour le jour entouré d'un minimum de confort. Livré à toutes sortes de misères et de difficultés, tout en gardant l'espoir d'avoir un jour une vie meilleure.

dimanche 7 janvier 2024

Mon 1er examen de sixième

En Juin 1967,  juste après  ou pendant la guerre des six jours et par une chaude journée d'été, j'ai passé mon 1er examen de sixième. Ce jour là, j'étais propre et je sentais le savon parfumé. Ma mère m'avait fait porter les habits du dernier Aid pour aller passer l'examen le plus  important au village, car il permettait au candidat qui l'avait réussi d'accéder au collège. Un collège tout neuf,  tout nouveau construit dans l'urgence en tôle. Il était  tellement important que les noms des  candidats qui réussissaient leur examen paraissaient dans  le journal "An Nasr" ( la victoire) édité à Constantine encore en Francais. 
L'examen se déroulait pendant toute une journée, avec comme matières essentielles une dictée, où il  fallait  faire le moins de  fautes possibles et une épreuve de mathématiques: on parlais alors de calcul.
Je ne sais pas si le titre de la dictée de cette année là était " le chat et le miroir", ou "le four banal"  un texte du  roman de de Mouloud Feraoun "Le Fils du pauvre" . Quelques semaines plus tard , quand les résultats ont été dévoilés; je fut recalé. Mon échec je m'y attendais un peu. J'étais déçu, mais pas trop. Assis sur le trottoir de la maison des "Zazar"nos voisins , en face de la notre, je scrutait la liste des reçus dans le journal, espérant que mon nom jaillissent au milieu des autres: sans succès. Quand soudain  des avions de chasses venaient sillonnaient bruyamment le ciel, et me faisait sortir de ma léthargie et de mon désespoir. 
Comme le village était petit,  et afin d'atténuer ma déception, le soir je n'arrêtais pas de faire le tour avec un autre recalé comme moi au milieu des chants patriotiques et des appels à la mobilisation diffusés par hauts parleurs . Pour nous consoler mutuellement, nous nous racontions des histoires à ne pas finir sur notre échec, nos espérances et les mérites ou non des candidats reçus. Ce jour là, je me souviens pas de la réaction de mon père. Il était certainement déçu plus que moi, mais n'en faisait pas cas. Quand a moi ce que dont  je me souviens  surtout, du soir quant mon père excédé par mon incapacité à  comprendre ses explications sur un problème de mathématiques a du me frapper à la nuque. Je me mis à saigner abondamment du nez. Paniqué, en voyant ma mère pleurer et voulant se racheter, il m'ammenera voir un film au cinéma du village pour me consoler. C'était un film en noir et blanc qui racontais une histoire de fantômes...c'était une ou deux semaines avant l'examen.de 6eme.
 L'été avec sa chaleur étouffante le jour,  la fraîcheur relative de ses veillées nocturnes en plein air  et surtout notre projet de déménagement me firent oublier cet échec. Dans le "cour"que nous habitons et qui était composé de plusieurs chambres disposées l'une à côté de l'autre en rectangle entourant une grande cour avec  un bassin et sa fontaine au milieu. Les WC communs se trouvaient dans le coin tout près de la porte d'entrée en bois massif. 
Le soir les hommes, sous la lumière de la  lune  s'allongaient chacun après le dîner près de la porte de la chambre qu'il habitait sur un "bsat": un genre de matelas fabriqué de divers tissus récupérés ça et là, ou un "jeld": une peau de mouton avec sa laine. On se racontais des blagues, des charades et les histoires du jour. Ce fut mon dernier été dans mon village natal. 
 

mardi 2 janvier 2024

Avant notre départ pour Annaba.

Avant notre déménagement à Annaba où  travaillait désormais mon père comme comptable matières au centre de formation professionnelle pour adultes. Pendant plus d'une année, chaque matin c'était  le même rituel. Afin d'arriver à temps  à son lieu de travail à Didouche Mourad; autrefois Lauriers roses, du temps  de la colonisation, distant d'une trentaine de kilomètres de notre  village, mon père devait se réveiller tôt le matin, dès  la première sirène de la Tabacoop, celle de 6h 30mn,  la 2eme sonnait une demi-heure  plus tard et  annoncé le début effectif du travail à la coopérative de tabac du village. La sirène de la Tabacoop était un des points de repère pour les habitants de notre village. Après avoir pris son café turque (  kahwat Zezoua)  que ma mère  avait préalablement préparé  sur le "kanoun" qu'elle a pu  allumer  grâce  aux cendres de la veille qu'elle avait enfouis sous le reste des cendres consommées,   il partait prendre le bus de "chergui" ou celui de "Belahmadi" selon la disponibilité. Les autobus avait prient l'habitude, dès qu'ils quittaient leur arrêt du centre du village entre la placette de la Mairie  et la mosquée en face, lls commençaient de klaxonner pour avertir les retardataires, qui souvent, arrivaient à les rejoindre au bout du village, car ils roulaient très lentement. Le va et vient des autobus avec la ville de Annaba rythmé  les journées et la  vie au sein du village.
En plus de son travail à Annaba, certains événements imprévus sont venus  précipiter notre départ pour y habiter. Les décès de la grand-mère de mon père Nouna à 70 ans après un accident: en se levant, tôt le matin elle percuta dans le noir  le loquet d'une fenêtre ouverte, perdit aussitôt connaissance et décèdera une semaine plus tard, et celui de ma petite sœur de six mois. Si la disparition de ma sœur Sabah,  emportée par une diphtérie m'avait peinée, je n'avais éprouvé aucun sentiment au départ de ma grand-mère. 
Je n'oublierais jamais le regard d'ange de ma sœur qui suivait les déplacements de ma mère, comme pour lui dire : " soit  patiente maman, ne t'éloigne pas de moi, je vais bientôt partir". Je pense que ce jour là, j'ai réalisé mon impuissance face à l'injustice et la misère.
Au courant de cette année là j'étais triste et je commençais à prendre conscience de ma situation, j'avais presque douze ans et c'était ma sixième année à l'école, je devais me préparer  pour présenter et réussir mon examen de sixième,  afin d'accéder au collège. Ce fut pour moi une année très difficile, A l'école je n'arrivais pas à me concentrer, j'étais atteint de neurasthénie à cause du  manque d'une  bonne alimentation à la maison. La misère.
Un matin, en me réveillant,  j'étais déjà mal au point.  Après avoir pris, comme d'habitude à la va vite,  un bol de café crème préparé à partir du reste du café turque de mon père,  que ma mère avait réchauffé en rajoutant un peu d'eau pour faire une solution grisâtre (sfou) dans lequel ont a versé du lait concentré Nestlé que j'accompagné d'un bout de galette (kesra). Dans la classe, l'atmosphère était lourde. Les punitions pleuvaient. L'instituteur Mr Hemila aidé  par un larbin de notre  classe: un certain "Hacène" G. dans le choix  des élèves  qui montaient au tableau, un après un  de manière aléatoire pour leur dicter une phrase. A chaque faute, l'élève recevais un coup sur les doigts ou sur les fesses sous les rires hilarants de ces apprentis "tortionnaires". Pour eux c'étais un jeu. J'étais tellement terrorisé que je me suis 'évanouie et  dû être transféré a l'hôpital de Annaba dans la 2 CV de Mr Davy après un bref passage au centre de santé du village où on a constaté que  ma tension était trop basse. Monsieur Davy, est un  instituteur qui venait sûrement du sud ouest de la France car il  aimait tellement le rugby que je le voyais  souvent y jouait en plein village. 
Après trois Jours passé à l'hôpital, où je ne prenais que du thé rouge afin d'élever ma tension qui était assez basse,  j'ai du rentrer chez moi et revenir à l'école. Depuis, notre instituteur monsieur Hemila  ne me faisait plus monter au tableau, 

mardi 26 décembre 2023

le départ de Taous.

S'Il y'a un être avec qui j'étais le plus proche et que j'aimais sincèrement c'est  ma tante Taous , qui est partie Jeudi dernier dans la matinée rejoindre les siens et les miens à Sidi Djemil notre cimetière familial, à quelques kilomètres du village . Pendant deux mois, elle était alitée et amnésique après un accident vasculaire cérébral et ce qui devrait arriver arriva. Le matin elle a été retrouvée bouche béante et les yeux  grands ouverts fixant le plafond.


Taous était un battante. Elle a toujours compte sur elle même. Elle a travaillé toute sa vie comme infirmière, un peu partout : à Annaba, dans diverses structures, ainsi qu'à  Dréan;  fille de Chahid, elle  a vécu grâce à sa hargne et son courage. J'ai plein de souvenirs avec elle. Elle me racontais que toute petite, elle avait  alors a peine 6 ou 7 ans, elle me portais sur son dos et m'emmenait accompagner la grand mère de mon père  faire pétre nos chèvres a la lisière du village près de la gare. Ma mère m'a raconté qu'au courant de l'hiver de l'année 1957, il avait abondamment neigé, ce qui rare et inhabituel pour la région  et le village. Elle avait alors 8 ans. Ce matin là on avait besoin de pain pour le petit dejeuner... Obstinée et courageuse elle se proposa pour en acheter chez le boulanger du quartier: "ami djidjeli". Elle était tellement enthousiaste à l'idée d'être utile, qu'elle partit les pieds nus. Au retour, elle criait de douleur, car ses pieds gelées par le froid  lui faisait tellement mal, qu'elle n'arrêtais pas de pleurer. Mon grand-père H'sen a dû lui envelopper ses petits pieds dans un matelas pour les réchauffer. Si j'ai aujourd'hui, gardé un lien avec mon village natal c'ést pour lui rendre visite et l'entendre parler, tout en me servant un repas épicé dont elle a le secret, avec son sourire et son amour incommensurable. Pour moi  c'était mon repère. Ma joie. Elle a été toujours là pour me venir en aide, me soutenir contre vents et marées. Me donner raison même quand j'avais tort. Je ne peux oublier tous ces bons moments. Je garde d'elle -comme un trophée- sa sincérité  et sa joie  lorsque elle me voit. C'était ma consolation, pendant les moments difficiles 

mercredi 29 novembre 2023

Algérie. Le retour.

Dans le bateau de notre retour, curieux, je visitais tous les coins et recoins du navire à tel point que je mettais ma vie en danger: car je risquais de tomber à l'eau en  tentant par exemple de toucher ce bleu à l'arrière du pont. Je restais ébloui devant cette immense espace qui semblait infini et qui entourait notre embarcation,  tracant un chemin d'écumes blanchâtres vers nulle part; un chemin à ne pas finir. 
Nous arrivâmes à Bône (Annaba ), le lendemain dans la soirée de ce mois d'octobre 1963, pour rejoindre Mondovi, une bourgade agricole  distante de 20 km où vivaient ma famille. Je fus immediatement surpris par l'état des lieues: l'obscurité, les odeurs nauséabondes, le froid ambiant. et l'image du crépitement du "kanoun" qu'on essayait d'allumer avec ses étincelles jaillissant  comme un petit feu d'artifice de bienvenue, dans cette obscurité à couper au couteau. Je n'arrêtais pas de pleurer. Je ne voulais pas rester  dans cet endroit triste et je voulais revenir aussitôt à Marseille...et ses lumières. Sur le moment je ne pensais pas que j'allais passer presque cinq (05) ans de ma vie dans cet endroit lugubre: sans électricité , sans eau et avec des WC commun délabrés. Mais faute de mieux, on s'y habitue de vivre ainsi. Aujourd'hui avec le recul je peux affirmer que cela a été les pires moments de ma vie d'enfant . C'est dans ce lieu  entouré de  ma famille, que j'ai connu et le plus  ressenti  la misère à travers la maladie, le mépris,  la saleté, les poux et la faim .
 Aussitôt installé chez notre grand mère, mon père avait du mal à trouver du travail. Au début il trouvera une place comme préposé aux écritures à l'APC (mairie) de Dréan, mais après quelques mois passés à la Mairie, il a du quitter son emploi suite a un différent politique ( selon ses dires) avec le Maire un certain Med Salah B. un célibataire endurci,  officier de l'armée des frontières. Il trouvera un emploi comme saisonnier, comme  la plupart des hommes du village dans une coopérative agricole spécialisée dans le conditionnement des agrumes  pendant  quelques mois, Ensuite, il entamera une période de chômage qui durera  plusieurs mois. Pendant cette période nous vivions d'aide, de  quête  et de crédit.
 Ainsi  je garde en mémoire les visites matinales de Yamina la fille d'une de mes tantes ( du côté de ma mère) "khalti Hadda" qui passait souvent chez nous tôt le matin avant de rejoindre l'école pour nous emmener quelques légumes et d'autres choses pour que ma mère puisse nous faire à manger. Un épicier du village "ami" Mohamed"  d'une famille kabyle les  Salemkour , nous faisait crédit pour nos besoins essentielles : semoule, huile, sucre et café...    sur les recommandations de son cousin "ami Ali", un ami de mon père qui était  boulanger au centre du village,  et qui  partageait les mêmes idées que lui.
Enfin, après  plusieurs tentatives de candidatures a divers métiers, mon  père rejoindra la formation professionnelle comme magasinier et comptable matières a Annaba, au début de l"année 1966. 

dimanche 1 octobre 2023

Marseille

Pendant la guerre d'Algérie, après  4 ans de séparation, vers la fin de l'année 1959, ma mère et moi nous quittâmes mon village natal: Mondovi aujourd'hui Dréan , pour rejoindre mon père à Marseille. La disparition  de mon grand-père arrêté  et   assassiné dans une ferme coloniale :(syndicat ) transformée en un camps de torture infesté de "Goumis", et l'incarcération dans un  camps de prisonniers  ( le camps de Djorf du côté de M'sila) du mari de la soeur aînée de ma mère,  qui était un second père pour elle et qui vivait chez eux avant son mariage précipita sa décision  de rejoindre mon père en France.
Nouna la grand-mère de mon père - celle qui s'occupa de nous après la disparition de mon grand-père père.s'etait évanouie a l'aéroport après notre embarcation à Bône (aujourd'hui Annaba): un déchirement qu'elle n'avait pu supporter. 
 Dans l'avion, je n'arrêtais pas de regarder a travers l'hublot, cet  espace verdâtre et infini qui défilait sous l'avion: une image indélébile m'est restée en mémoire. A notre  arrivée à  l'aéroport de Marignane, mon père était étonné et surpris de nous voir, il demandera à ma mère: "c'est qui cet enfant ", oubliant qu'il avait un enfant aussi grand, lui qui avait  a peine 24 ans et que les enfants grandissent vite. Il m'avait laissé à peine âgé de quelques mois à son départ à la fin de l'année 1955. A Marseille mon père était peintre-plâtrier dans une entreprise privée et  responsable d'un secteur de la  ville de  Marseille. comme militant dans l'OC-FLN., une organisation clandestine pour l'indépendance qui militait pour l'indépendance de l'Algérie. Dont la mission principale consistait a la collecte de l'"Ichtitek": la cotisation mensuelle de soutien au FLN parmi la diaspora Algérienne.. 
Nous nous installames au 7, rue de l'arbre (aujourd'hui Vincent Scotto ) dans  une chambre miteuse d'un hôtel délabré géré par deux  femmes d'un certains âges, donuts une plus présente que l'autre portais le nom de Françoise, non loin du vieux port. Après quelques mois passé dans cette chambre humide et mal aérée, je fus diagnostiqué positif à la tuberculose lors du test obligatoire pour ma scolarisation et dû être hospitalisé dans un préventorium à Ucel en Ardèche , pendant 9 mois. 
Malgré mon âge ( 5 ans), je garde des souvenirs figées encore vivaces de mon séjour dans ce Préventorium. Je me souviens de la classe d'étude divisée en rangées de trois niveaux que l'ont partagées avec des plus grands que je voulais imitais en écriture étonné par la forme de leur "f", mais j'y n'arriva pas,  du silence a l'intérieur du dortoir et des siestes forcées, que je ne supportais pas car  je n'arrivais jamais a dormir. Des randonnées en forêt et à la montagne. Mon souvenir le plus marqué, fut pour moi, le jour où une religieuse qui s'occupait de nous me sorti un dimanche des rangs de l'église,  et m'empêcha de faire la prière  avec mes camarades, alors que j'avais pris l'habitude de les suivre pour chanter  les cantiques et faire la prière avec eux en toute innocence. Elle m'avait dit: "Que mon père  ne voulais plus que j'aille à l'église le dimanche " en m'expliquant les "raisons" et  que je pourrais choisir ma religion  quand je serais plus grand". ...Depuis , je restais seul isolé dans un coin  écoutant de loin la mélodie des cantiques religieux en attendant la fin de la messe... 
De retour a  Marseille après ma guérison, j'étais livré  à moi même. J'errais beaucoup autour du vieux port dans des espaces vides et les chantiers du côté du quartier Belsunce où on commençait la construction de nouveaux quartiers d"affaires. Ni mon père qui était très occupé, ni ma mère qui s'occupait plus de mes deux freres encore bébés ne faisait attention à moi. Je me souviens qu'un jour,  j'ai reçu un sceau plein de peinture laissé par les ouvriers du chantier sur la tête en tentant de jouer au peintre bâtiment et que  j'avais mal accroché le sceau sur le mur. Le saignée ne s'arrêtera qu'après avoir été soigné aux urgences de Marseille. Un autre jour,  j'ai volé un shampoing au Monoprix qui étais juste en face de l'hôtel où on habitait pour aller laver mes cheveux dans la fontaine public du vieux port..
Dans l'hôtel habitait dans le même étage que nous une famille juive venue de Casablanca. Une des fille plus âgée que moi, m'ammenais à la terrasse pour me montrer comment on faisait l'amour: c'est ainsi que j'ai découvert la sexualité... à six ans. Cela me marquera toute ma vie.